top of page

LEsprit Canal, un phénomène révolutionnaire devenu has-been

Lancée en 1984, la chaîne Canal + se diversifie dès sa création en proposant des films fraîchement sortis, du football mais aussi de la pornographie. Une véritable révolution qui se caractérise par une liberté de ton et un humour décalé qui fera le succès de la chaîne. C’est ce que l’on appelle l’Esprit Canal, une vision de la télé aujourd’hui épuisée voire ringardisée.

Les débuts de Canal + sont timorés, cette nouvelle entreprise fait perdre de l’argent. André Rousselet, alors président de la chaîne et proche de François Mitterrand va changer radicalement de stratégie. Pour ce faire, il compte sur Alain de Greef et Pierre Lescure, les pères fondateurs de l’esprit Canal. Les deux hommes bouleversent la grille des programmes et mise sur l’humour en faisant confiance à Coluche. De 1985 à 1986, Pierre Lescure lui donne carte blanche pendant quinze minutes à l’heure du JT de 20h. Après lui, la bande des Nuls reprend le flambeau. Un contraste naturel s’instaure alors dans la télé de l’époque comme le constate Pierre Lescure dans la revue Schnock en septembre 2020 : « Je crois que n’importe quel collectif à qui l’on confie une page blanche va être animé d’un certain esprit pionnier. Et si c’est dans une activité où la liberté a un sens, et où la liberté est un plus ça marche et c’est ça le succès de Canal + ». Pour surfer sur cette nouvelle vague, les dirigeants s’appuient sur les créneaux en clair pour diffuser leurs contenus phares. L’objectif est de mettre en vitrine cette liberté de ton, symbole d’un esprit Canal qui est avant tout un argument marketing pour gagner des abonnements. La plage horaire gratuite de 19h à 20h30 va devenir essentielle avec un nouveau concept, le talk-show.

​

Des programmes mythiques

​

L’esprit Canal se retrouve au centre de deux talk-shows, à savoir Nulle Part Ailleurs entre 1987 et 2001 puis Le Grand Journal de 2004 à 2017. Ces émissions regroupent toutes les petites chroniques cultes de la chaîne cryptée comme les Guignols de l’Info ou encore le Zapping. La popularité de la chaîne repose aussi sur des duos emblématiques. Le premier est formé par Antoine De Caunes et José Gracia qui intervient régulièrement aux côtés de Philippe Gildas dans des sketchs déguisés. On a ensuite Omar et Fred, avec leur SAV (Service Après-Vente) des émissions, aux côtés de Michel Denisot. Il arrive également que certaines séquences de ces deux grandes machines deviennent des émissions à part entières. C’est ce qu’il s’est produit avec les Nuls au début des années 90 puis avec le Petit Journal de Yann Barthès. L’esprit canal s’attaque à tous les genres et à tous les styles et touche tout le monde. Entre la série H, le monde parallèle de Groland ou les questions improbables du Burger Quiz le second degré devient une religion. Une omniprésence de l’humour à la télévision qui en agace certain à l’image de Fabrice Luchini qui s’est déchaîné dans le Parisien du 18 mars 2013 : « On est dans la tyrannie du rire obligatoire. Le drame de l’époque, c’est l’esprit Canal, cette mécanique de la déconne. C’est un totalitarisme ! » Le début d’une remise en cause d’un système qui a fait les belles heures de Canal + mais aujourd’hui de plus en plus critiqué.

La fin d’une époque

​

En 2015, Vincent Bolloré prend les commandes et enterre l’esprit Canal. Une volonté affichée dès sa prise de fonctions en 2015 au micro de France Inter : « L’esprit Canal est un esprit de découverte, d’ouverture, d’initiative et malheureusement d’un peu trop de dérision. Se moquer de soi-même c’est bien, mais se moquer des autres l’est moins. » La cible principale de l’homme d’affaires reste Les Guignols de l’Info. Pour les faire mourir lentement, le PDG remplace les auteurs de toujours, impose une ligne de conduite stricte et participe au choix des sketchs. La nouvelle politique du groupe oblige les employés à rester dans les clous sous peine de perdre leur emploi. Sébastien Thoen va en faire les frais en étant licencié à la suite d’une parodie le 19 novembre 2020. Quelques jours plus tard, même sentence pour le journaliste sportif Stéphane Guy qui soutient publiquement son collègue avec cette citation de Coluche : « Il faut parfois se méfier des comiques parce que quelques fois, ils disent des choses pour plaisanter ». L’humour a longtemps fait la réputation de la chaîne mais est aujourd’hui un motif de licenciement. En dehors de cette crise interne, la télé en général souffre de l’arrivée d’Internet où les contenus sont bien plus libres. Pourtant, cette façon historique de faire de la télévision à Canal + continue de fasciner et d’attirer. Pour preuve, les émissions Burger Quiz et Quotidien font encore les beaux jours de TMC. Cet engouement touche aussi les plateformes avec l’arrivée de la série H sur Netflix. En quelque sorte, l’esprit Canal existe toujours mais il n’est plus sur Canal +.

​

Florian Sablé

Les Guignols.png

Crédit Photo : Capture d'écran - Florian Sablé

Crédit : Final Cut Pro - Florian Sablé

bottom of page